Un déclic miraculeux s’est produit quelque part dans le ciel tunisien. Dans la tête de qui, dans quel esprit? Personne ne l’a dit, personne ne l’a rapporté. La haine généralisée, les exclusions et incompatibilités impossibles à dépasser ou même à tolérer se sont brusquement estompées ouvrant la porte aux salamalecs et aux marhaba. Il est certain que l’élection inattendue de Kaïs Saïed a inversé la malchance des divisions minusculaires et des ambitions corpusculaires en une brusque volonté de se remettre en cause, tous ensemble, suite à tant de crises et de blocages. A un moment «grand M» un ancien révolutionnaire a décidé de s’engager sincèrement dans un partenariat avec l’œuvre de construction d’un grand patriote moderniste, Habib Bourguiba, pour prolonger et perpétuer l’entreprise de développement dans absolument tous les domaines que la petite Tunisie a donné à apprécier au plus haut point sous les applaudissements généralisés du monde entier. Une fois la révolution venue, on a parlé de virement à gauche, on a craint un dérapage sauvage sur la droite, Ennahdha a proposé un gouvernement révolutionnaire… Et puis, le Président Saïed a sorti de sa poche-revolver un jeune social-démocrate, pourtant ministre de la Troïka mais bien ancré dans le réformisme historique de la République bourguibienne : Elyes Fakhfakh, dans la filiation de Ahmed El Mestiri, Béji Caïd Essebsi et Mustapha Ben Jaâfar.
C’est là que tout a positivement basculé, qu’une mystérieuse prise de conscience s’est imposée à chacun puis à tous. Et diverses alliances et alternatives des «4» des «3» et des «5» se sont avérées improductives, déconnectées, mal à l’aise, proposant des alternatives maladroites pas vraiment convaincantes, peu à la hauteur des attentes du destin national tunisien. C’est alors que Ghannouchi lève son hypothèque sur Karoui et toutes les méchancetés qu’on lui attribuait, celle-là même qui avait doté Kaïs Saïed du stock de votes impressionnant qui fut le sien. Avant que la Cour de cassation ne vienne libérer le patron de Nessma des soupçons de corruption qui le hantaient.
De l’échec et la haine, nous semblons passer à la volonté victorieuse d’un peuple qui prend son destin en main.
Les démocrates et observateurs voyaient parfois en Rached Ghannouchi un mystérieux inquisiteur déterminé à imposer, y compris à son parti, une approche révolutionnariste voulant tirer profit d’alliances marginales insurrectionnelles islamistes. Par cette miraculeuse réconciliation de tous qui laisse Abir Moussi sur le bord du chemin, dans son rôle de principal opposant, les Tunisiens décident de reconstruire leur révolution et de réconcilier tous leurs réformateurs. Une page d’édification historique s’ouvre, et n’exclura personne.